En février dernier, Valentine Goby est venue à Nice pour nous parler de ses livres et plus particulièrement de Baumes. J’ai déjà eu la chance de l’accueillir dans mon club de lecture ; elle nous avait, disons-le, impressionnés ! Je ne pouvais pas manquer ce nouveau rendez-vous et encore une fois ce fût une rencontre que j’ai fort appréciée. Écouter les auteurs parler de leurs livres est pour moi quelque chose d’important. C’est l’occasion de leur poser les questions qui nous ont traversé l’esprit en lisant leur bouquin. J’ai aussi beaucoup aimé le fait qu’elle lise elle-même certains passages du livre. Cette fois-ci je n’avais pas encore lu Baumes au moment de la rencontre, mais ce fut le cas de certaines personnes qui étaient présentes et en particulier la libraire qui a organisé cette rencontre et qui lui a posé des questions qui nous ont permis d’en savoir plus.
Du coup en partant, j’ai acheté deux livres (voir le bilan du mois de mars) et Baumes n’a pas eu le temps de vraiment entrer dans ma PAL (ouf 🙂 )
Le début
D’un bout à l’autre de mon enfance, l’odeur d’usine signe le retour de mon père. L’odeur puissante des cuves à distiller, qui excède toutes les odeurs connues de la nature, les aggrave prodigieusement. Odeur d’essences pures, lavande pure, rose pure, orange pure, vanille pure, parfois additionnées, citron pur et griotte pure, menthe pure et tubéreuse pure, trop compactes pour se dissoudre, s’annuler l’une dans l’autre : iris contre gingembre, encens contre violette, luttant à même la fibre des vêtements. L’odeur incruste les vestes de mon père, ses écharpes de laine, ses mouchoirs de soie, ses costumes, ses chemises, ses nœuds papillon, le cuir de ses chaussures, et aussi ses cheveux, la peau de son visage, la peau de ses mains, ses ongles, ses poils.
L’histoire
Baumes est un récit autobiographique : Valentine Goby fait un retour sur son enfance à Grasse, la ville des parfums. Son père travaille justement dans une usine à parfum. Quand il rentre à la maison, il rapporte des odeurs de son travail avec lui et la petite Valentine est importunée. Elle nous raconte aussi comment elle a choisi son premier parfum, Paris. Un nom prédestiné ? Une prémonition sur sa future vie parisienne ? Ou peut-être savait-elle déjà qu’elle partirait ?
Elle nous dit aussi comment elle est devenue « Peau ». Elle nous raconte son voyage aux Philippines où son père la rejoindra. Une vie jalonnée d’odeurs.
Mon avis
Ce livre très court est un condensé d’odeurs et de ressentis. Valentine Goby a choisi chaque mot pour décrire ses émotions. On est avec elle dans sa chambre, dans sa maison, on sent le retour de son père.
Le retour de mon père annonce le dîner. Ma mère sonne la petite cloche et j’ouvre la porte de ma chambre, je descends l’escalier marche à marche, j’avance pieds nus sur les tomettes froides. Plus j’approche de la cuisine, plus l’odeur d’usine est massive… l’usine c’est mon père, on entre dans mon père pour le dîner.
Elle nous raconte les différentes périodes de sa vie au travers des odeurs de parfums qui l’ont accompagnée tout au long de celle-ci. Mais pas n’importe lesquelles. Celles que son père rapporte innocemment avec lui et qui importunent Valentine. Celle du parfum qu’elle choisit de porter. Celles qu’elle porte alors qu’elle est « Peau » à New York.
Je crois que je ne fais rien. Que je subis. Que l’odeur me domine une nouvelle fois, m’absorbe, m’efface, ça n’a pas d’importance car je suis à New York. Je me trompe. Mon corps est à l’œuvre.
N’est-elle pas un peu comme son père à ce moment-là ? Puisqu’elle porte des odeurs qu’elle n’a pas vraiment choisies ?
Celles qu’elle a humées durant son voyage aux Philippines. De retour en France, elle publie son premier roman et sa maison d’éditions porte le même nom que la parfumerie grassoise Galimard, mais avec deux L.
Que veut-elle faire passer comme message ? Car Au-delà de ces parfums et de ces odeurs, son père est le sujet principal de ce petit livre. Elle le lui a dédié. Rien que le titre pourrait nous donner un indice, de même que la dédicace qu’elle a apposé sur mon exemplaire : « Les baumes sur nos blessures d’enfant ».
Baumes de Valentine Goby m’a permis de revenir sur mes propres souvenirs d’enfance. De me remémorer ces temps révolus, du bonheur familial parfois entrecoupé d’épisodes où je me souviens avoir parfois été dure avec mes parents…
J’ai beaucoup aimé ce court roman autobiographique. Non seulement pour l’histoire mais aussi pour le style d’écriture de Valentine Goby qui a vraiment choisi les mots pour écrire le ressenti de son enfance.
Baumes, Valentine Goby, Actes Sud,2014, 64 pages. ISBN : 978-2-330-03689-8
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